INTRODUCTION
Un anticyclone en hiver est souvent synonyme de brouillards et de froid dans les plaines Franc-Comtoises… et d’ensoleillement associé à de la douceur en altitude. Il peut parfois y avoir plus de 10°C entre la plaine (plongée dans la grisaille) et la montagne (sous le ciel bleu).
Nous allons voir à travers cet article, comment ce processus météorologique se met en place, quelles sont les conséquences visibles sur la météo (et sur la pollution de l’air), puis nous terminerons sur quelques sublimes clichés de ce phénomène dans notre région. Bonne lecture !
En quoi consiste une inversion thermique ?
D’une manière générale, l’air le plus chaud se trouve à proximité de la surface, car il est en contact avec le sol et donc chauffé par le soleil, il réémet donc constamment de la chaleur. Comme vous le percevez dans notre région, l’air est également plus froid en montagne qu’en plaine, ceci est dû à une loi physique (la loi des gaz parfait) qui énonce que plus la pression atmosphérique est faible, ce qui est le cas en allant en montagne, plus la température est également faible, et inversement.
En résumé, lors d’une situation normale (à gauche sur l’image ci-dessous), plus on monte en altitude, plus la température de l’air diminue (on perd environ 6,5°C tous les 1000 mètres) jusqu’à la tropopause (sommet de la troposphère), on parle de gradient négatif de température avec l’altitude.
La particularité d’une inversion thermique est justement qu’une couche d’air chaud va cette fois se situer au-dessus d’une couche d’air froid, ce qui induit un temps plus chaud en montagne et du froid stagnant en plaine. La température augmente donc en prenant de l’altitude, on parle alors de gradient positif de température avec l’altitude. C’est ce qui est très fréquemment observé ce début d’hiver 2021-2022.
Période et zones privilégiées
Ce type de situation météorologique traduit une forte stabilité de l’atmosphère.
Plusieurs critères doivent être réunis pour observer ces inversions thermiques :
– Il doit y avoir un anticyclone installé sur la France, cela traduit une forte stabilité de l’atmosphère et donc le blocage au sol de l’humidité (et donc du brouillard).
– Le vent doit être faible dans les 1000 premiers mètres. Un vent fort mélangerait l’atmosphère et l’inversion thermique ne pourrait pas se produire.
– Le rayonnement solaire doit être faible. La période d’apparition des inversions thermiques la plus favorable se situe entre début octobre et mi-mars. Un fort rayonnement solaire chaufferait les basses couches et l’inversion disparaîtrait rapidement, ce qui est le cas en avril ou septembre.
– La présence de vallées et de cours d’eau favorise l’apparition de ce phénomène. L’humidité y est forte et le brouillard se formera rapidement. De plus, l’air froid étant plus dense que l’air chaud, il va couler et stagner dans la vallée …
Mais… Comment se forment-elles ?
Si la plupart des conditions précédemment citées sont réunies, l’inversion thermique peut donc se produire… Mais comment se forme-t-elle exactement ?
Lorsqu’un anticyclone est présent, l’air froid et sec présent à son sommet descend vers le sol par subsidence tout en se réchauffant (car sa pression augmente, loi des gaz parfait), cet air va donc assécher l’atmosphère.
En parallèle, la surface terrestre se refroidit par rayonnement infra-rouge (elle perd de la chaleur sous forme de flux infra-rouge qui va du sol vers l’espace). Si la surface se refroidit suffisamment, l’air ne pourra plus contenir beaucoup de vapeur d’eau et va alors saturer, des nuages bas de type stratus/brouillard vont alors se former. L’air chaud descendant va donc se heurter à cet air froid et agir comme une cloche au-dessus des basses couches.
Quel impact sur la météo et sur la pollution ?
- Les conséquences météorologiques sont distinctes entre les plaines et la montagne. En effet, la plaine va plutôt se retrouver dans un air froid et sous de nombreux brouillards, tandis que la montagne va plutôt conserver une relative douceur et un temps ensoleillé car l’atmosphère y est sèche.
- Concernant la pollution atmosphérique, ce type de phénomène météorologique aggrave fortement la qualité de l’air. En effet, la couche d’air chaud situé au-dessus de la couche d’air froid agit comme un couvercle et enferment les polluants qui se trouvent piégés dans les basses couches. Le vent étant très faible, il ne disperse plus ces polluants, on a alors une accumulation de ces derniers et d’autres particules fines émis par l’activité humaine. C’est ainsi que le dôme de pollution apparaît, plus l’anticyclone stagne longtemps sur la région, plus les inversions sont présentes et plus la qualité de l’air se dégrade.
Les facteurs qui peuvent mettre fin à ce phénomène sont : l’arrivée d’un front perturbé, d’une couche de nébulosité, des mouvements convectifs (verticaux) ou l’affaiblissement de l’anticyclone.
Les « trous à froid » de notre région
Vous l’avez sans doute remarqué au cours du mois de Décembre 2021… Certaines localités du Massif Jurassien enregistrent des températures extrêmes comme -31,2°C à la Combe Noire (39) le 21 Décembre (via @LocalSat) ! Ces températures sont directement liées aux inversions thermiques !
Par rayonnement nocturne, la surface de la neige se refroidit d’autant plus vite par nuit claire (grâce notamment à la présence de l’anticyclone). À son contact, l’air se refroidit et – en devenant plus lourd – il s’écoule par gravité au fond des vallées fermées. Ce phénomène est d’autant plus accentué en présence de pentes raides. Ainsi, cet air froid s’accumule au fond des combes et devient de + en + froid en l’absence de turbulences (énumérées plus haut : nébulosité, vent, pression atmosphérique, soleil, etc….).
Dans le même temps, l’air « doux » – qui lui est plus léger – remonte en altitude (vers 1200m d’altitude le plus souvent) ainsi que sur les flancs de montagne. Finalement, là où les conditions sont les plus instables/déstabilisées (lieux exposés au vent, là où le froid ne peut s’accumuler).
C’est pourquoi, nous relevions +1°C à La Dôle (sommet de la Station des Rousses) pendant qu’il faisait -20/-30°C dans les « trous à froid » !
Inversion thermique en Franche-Comté
La région Franche-Comté est fréquemment confrontée à ce type de phénomène car elle possède une topographie favorable (présence de vallées et de montagnes). En effet, lors d’une période anticyclonique en hiver, les plaines Franc-comtoises sont plongées dans le brouillard et non sous le soleil… C’est l’inverse en montagne où le soleil règne même en maitre et où le thermomètre affiche des valeurs douces.
Le 19 novembre 2021 fut par ailleurs un cas d’école ! On voit sur les images satellites (ci-dessous) la présence de brouillards sur la partie ouest de la région tandis que le soleil s’impose sur la partie est (massif jurassien). Cela se traduit comme on l’a expliqué par des températures froides en plaine (pas plus de 3°C vers Lons-le-Saunier) et une douceur marquante en altitude (jusqu’à 13°C à Pontarlier, ci-dessous).
Quelques clichés…
Ces inversions thermiques, hormis leurs effets néfastes sur la qualité de l’air en plaine, procurent un réel spectacle si l’on prend un peu de hauteur, comme se fut régulièrement le cas ce début d’hiver 2021-2022 où les sommets de Montfaucon ou de la dôle ont été points de repère des photographes et passionnés …
Vous remarquerez que le Lac Léman contribue à apporter l’humidité nécessaire à la formation d’une épaisse mer de brouillard. Les polluants émis en ville stagnent donc dans la vallée. La différence de température entre le sommet de la dôle et la ville de Genève peut atteindre jusqu’à 15°C dans le cas de fortes inversions thermiques.
Joris, Météo Franc-Comtoise